Douce rêverie...
Une chaude nuit d'été. Le bruit des insectes amoureux résonne sur la plage.
Le vent doux fait bruisser les feuilles des arbres longeant la baie. La porte
de la cabane claque derrière le couple tandis qu'il sort. Deux adolescents,
dévêtus, courent vers la plage. Ils se bousculent et rient tout en courant. La
lune et les étoiles éclairent les remous des vagues, faisant briller de mille
feux la nuit, pour le plus grand plaisir du couple. Le reflet des cheveux dorés
de la fille attire le regard du garçon et sa main s'y fourre pour la décoiffer.
Premiers pas dans l'eau. Elle est tiède, une baignoire géante n'aurait pas meilleure
température. Ils continuent de jouer et de se taquiner tandis qu'ils avancent
et que leurs pas sont ralentis par l'eau. Arrivés à bonne distance, ils se
lancent un défi et se mettent à nager droit devant eux.
Le jour se lève, à
l'horizon. Ils parlent et s'amusent s'arroser en même temps qu'ils nagent. La
fatigue ne se fait pas encore sentir.
Ils aperçoivent enfin la
petite île. Ils savaient qu'elle était là et voulaient la rejoindre. D'un
regard complice, ils se mettent à nager plus vite, à remuer les bras et les
jambes avec plus de force.
Quelques minutes plus tard,
couchés sur le sable, humides et soufflant, ils se tiennent par la main.
- Tu crois qu'il y a
d'autres îles comme ça? Demande la jeune fille.
- J'sais pas. Peut-être,
oui. Sinon les gens devraient s'ennuyer. Le garçon était ailleurs, en
train de rêver tout en regardant les nuages apparaître doucement dans un ciel
se bleutant tranquillement.
- Dis, tu sais combien
de temps que ça fait qu'on est arrivé ici? La jeune fille semble ne pas
vouloir se reposer, elle semble avoir des tas de questions à poser. Le garçon,
quant à lui veut prendre son temps, en profiter, profiter de leur lien à tous
les deux.
- Non, et j'm'en fiche
pas mal en vérité. Si j'y pensais, ça voudrait dire qu'avec toi je vois le
temps passer. Ce serait bien triste je pense. Non? Il tourne sa tête vers
la jeune fille. Il espère qu'avec cette question elle comprendra où il veut en
venir et cessera de lui poser des questions pour, elle aussi, profiter de ce
début de journée idyllique.
Elle tourne la tête vers lui
aussi et lui sourit.
- Tu ne sais pas non
plus combien de fois tu es venu là alors?
Le sourire du jeune homme
suffit à lui répondre. Il ferme les yeux et se laisse bercer par le bruit des
vagues, profitant du petit vent doux qui lui caresse le corps. Il n'ouvre pas
les yeux lorsque la main de sa compagne effleure sa peau, se promène sur son
corps, traçant des sillons invisibles.
Il repense à la façon dont
elle est apparue. Elle était en robe blanche, légère, prête à s'envoler au
moindre courant d'air. Elle était belle et avait envie de profiter de la vie.
Il l'avait accueillie dans sa cabane au bord de la mer avant de lui offrir une
tasse de cacao fait maison. Ils avaient discuté durant des jours, pris le temps
de se connaître, de se raconter leurs vies. Lui n'était pas très bavard en
fait, mais il ne l'avait jamais vraiment été. Il préférait vivre au jour le
jour et profiter de la vie telle qu'elle passait sous ses yeux.
Ils étaient ensemble depuis
3 mois, il le savait, mais l'aurait-il dit qu'elle aurait continué à le
questionner. Alors il profitait. Se laissant aller au bonheur d'être avec cette
fille superbe et aimable. Il se laissait aller aux caresses de plus en plus
insistantes qui désormais étaient accompagnées de tendres baisers.
Le soir, ils retournèrent à
la cabane, tous les deux heureux de la journée passée à s'aimer sur le bord de
mer ou dans la mer, à regarder les nuages passer et à rêver. Ils auraient aimé
vivre à l'époque de D’Artagnan, l'époque où les hommes portaient chapeau et
épée pour aller au secours de belles femmes à robes splendides. Lui se voyait
fier et héroïque, homme d'honneur et de cour. Elle se voyait femme de rêve, aux
vastes robes toutes colorées et garnies de dentelles, à la mouche posée sur une
poitrine qui ne mettrait pas tant de temps à pousser. Ils se seraient
rencontrés dans un bal et y auraient dansé toute la nuit. Ils seraient partis
dans les bois après avoir emprunté un fiacre pour y passer des heures à s'aimer
avant qu'ils ne doivent se séparer à nouveau pour respecter leur emploi du
temps respectif.
Ils discutaient encore lorsque
la nuit tomba. Ils se préparèrent à manger, en entrecoupant leurs actions de
baisers, de caresses furtives et de mots doux.
Lorsqu'ils se couchèrent
dans la cabane, ils étaient heureux.
Le lendemain, ils décidèrent
de jouer à cache-cache. Evidemment, ils agrémentèrent leurs règles de divers
petits détails à même de leur donner envie de jouer.
Mais après une heure passée
à attendre, la jeune fille commençait à s'inquiéter. Attendre encore ou partir?
Elle décidait de rester quelques minutes encore sur place, pour voir s'il ne la
guettait pas malgré tout. Toujours plus inquiète à mesure que les minutes
s'écoulaient, elle sortit de sa cachette et appela son ami, son amour. Ses
appels restaient sans réponses.
Elle fouillait les alentours
lorsqu'elle prit conscience d'une chose affreuse. Elle n'avait pas revu la
cabane lorsqu'elle était allée sur la plage. Courant sans prendre garde aux
branches basses, elle arriva rapidement à l'endroit où elle avait dormi depuis
quelques temps. Mais rien. Pas une trace de vie. Pas une trace. Rien.
Elle était désespérée.
Cherchant en tout sens, sans parvenir à comprendre ce qui lui arrivait.
Après des heures de
recherches, elle décidait de partir à la nage vers l'île. A mi-chemin, le ciel
se couvrit, les nuages se firent gros et l'orage commença à gronder. La pluie
se mit à tomber fort, les gouttes étaient froides. Le vent n'était plus doux,
l'eau devenait plus agitée.
Elle se débattait et
poussait de toutes ses forces avec ses bras et ses jambes.
C'est une adolescente épuisée
et transie par le froid et la fatigue qui arriva sur l'île. Elle ne trouva pas
son ami non plus.
L'orage ne cessait pas, il
tonnait, la pluie trempait tout, faisant même des trous dans le sable à chaque
goutte qui s'y écrasait. Elle dut se cacher, trouver un abri en attendant.
A l'hôpital, dans le bureau
du médecin chef, le psychologue et le médecin accueillent les parents. La
nouvelle qu'ils ont à annoncer est grave.
- Monsieur, madame. Nous
vous avons demandé de venir, nous avons un gros problème avec votre enfant.
Le psychologue hoche la
tête. Lorsque le médecin finit d'expliquer la raison de leur venue, le père est
en colère et la mère sous le choc. Le psychologue prend le relais et tente de
leur présenter la situation de façon claire et raisonnée. Mais les parents ne
désire pas être clairs et raisonnés et demandent à voir leur fille.
Le psychologue se tourne
vers le médecin. Ce dernier, à son tour, hoche la tête. Comme un automate, le
psychologue guide les parents, le médecin fermant la marche.
Ils arrivent devant une
pièce où se tiennent différents enfants, tous entre 10 et 15 ans. Des filles,
des garçons, tous assis, debout ou couchés dans leur coin. Leur enfant est
assis à une table, tassée dans sa chaise, le visage bloqué sur une expression de
peur. En face d'elle, un garçon impassible est debout et regarde le mur.
Le médecin repousse
gentiment quelques enfants avant d'arriver avec les parents et son collègue
devant la jeune fille.
- Monsieur, madame, je
ne comprends pas. Nous voudrions faire des tests, mais il semble ne faire aucun
doute. Votre fille est enceinte.
- Mais... Comment une
enfant dans son cas, que personne n'a jamais entendu parler ou n'a jamais vu
bouger pourrait-elle être enceinte Bon Dieu! Vous pouvez me l'expliquer ça
quand même! Ce n'est pas la Vierge! On tombe pas enceinte comme ça! Le
père est énervé et sert ses poings. Les deux scientifiques le regardent,
visiblement mal à l'aise.
- C'est pour ça que nous
avons prévu de faire passer des tests à votre fille ainsi que deux gardiens de
nuits. La mère le coupe. - Et vous aussi j'espère!
Le psychologue tente de
rattraper la situation. Oui, tous les hommes présents à l'hôpital passeront
le test. Nous tenons à éclaircir cette affaire au plus vite. Tournant la
tête vers l'adolescente, il a un air vraiment désolé, il reprend un ton
professionnel avant d'ajouter. Par contre, est-ce que vous l'aviez déjà vu
avec cette expression sur le visage?
- Non, jamais. Peut-être
qu'elle a conscience de ce qui lui est arrivé? Le père reprend son calme,
mais garde les poings serrés et les yeux rivés sur sa fille.
Nous ne savons pas. Mais
Dieu que nous aimerions discuter avec elle, comprendre comment ça lui est
arrivé.
Pendant ce temps, une
nouvelle fille arrive au centre. Elle aussi, dans le même état. Renfermés dans
leurs mondes ces enfants n'ont jamais réussi à communiquer avec le monde
extérieur. Nul n'est jamais parvenu à décoder leurs pensées, leurs émotions.
Parfois ils bougent, parfois ils changent d'expression, parfois même ils
émettent un son. Mais tout le reste du temps, il ne se passe rien, atrocement
rien. Le visage du jeune à côté des adultes qui discutent au sujet de leur
fille se fait souriant, légèrement souriant.
Dans le bureau du directeur
de l'hôpital, un dossier le tracasse. Malgré différents tests passés au sein du
personnel, personne n'arrive à comprendre comment les trois dernières jeunes
filles arrivées au cours des 10 derniers mois ont pu tomber enceinte...
Sur une plage, un adolescent
accueille la nouvelle arrivante.
- Salut! Ça te dirait un
cacao fait maison?