Une amie d'enfance
Elle s’est étirée et elle a baillé en poussant un long gémissement exaspéré. Avec un affreux mal de tête, elle est parvenue à ouvrir un œil. Sa meilleure amie Gabrielle était toujours étendue à côté d’elle, sur le lit, ses vêtements jetés en désordre sur le sol et son sein droit nu exposé nonchalamment au regard des étrangers. Un frisson de dégoût et de remords l’a parcourue. Pourquoi sont-elles allées voir ce stupide film sur les lesbiennes hier ?
Elle ne s’est souvenue de pas grand-chose de cette soirée, sauf la bouteille de vodka et le monologue emporté de Gabrielle qui n’arrêtait pas de répéter que tous les mecs sont des salauds finis. Puis soudain, elle s’est trouvée enveloppée dans ses cheveux blonds et soyeux qui sentaient si bon... Elle a essayé de résister. Mais Gabrielle était son amie d’enfance et elle s’est montrée très persuasive et sans relâche. Elle lui souriait et la tenait par les épaules, et lui suggérait d’une voix douce qu’il n’y avait rien de mal, qu’elles se connaissaient si bien et depuis si longtemps qu’il était maintenant temps de passer à un autre stade d’intimité, de franchir la dernière barrière qui les séparait et de s’unir dans la recherche de la volupté qu’aucun homme ne saurait jamais leur donner. Elle lui a raconté qu’elle avait déjà essayé plusieurs fois et que rien ne pouvait égaler la douceur d’une femme.
Elle a tenté de protester, mais la main baladeuse de Gabrielle s’est attardée sur sa cuisse et lui a fait progressivement perdre tous ses esprits. Et elle s’est retrouvée haletante et suffocante dans la chaleur de la nuit, alors que ce matin, tout n’était que gêne et douleur au crâne. Une confusion absolue l’a accablée, un dégoût de soi, une envie de vomir, de cracher, de déchirer avec les ongles le visage de son amie qui était tranquillement en train de sommeiller, un sourire heureux et satisfait au coin des lèvres. Elle avait l’air comblée, elle.
Pendant qu’elle se morfondait dans ses pensées morbides, Gabrielle a bougé. Elle a ouvert un œil. Et elle a prononcé d’une voix pleine de mépris :
- Espèce de p’tite salope de gouine ! Non mais t’as même pas honte de m’avoir sautée d’ssus comme ça ! J’ai jamais vu une affamée pareille ! Putain t’es mon amie d’enfance, c’est trop dégueulasse, quand j’vais le raconter à mon mec, il va halluciner !!