Angel-O et Angel-A au paradis !
Angel-ino
et Angel-ina batifolaient comme d’habitude dans les herbes tendres du vert pré.
Quand l’Ancien l’avait pris à part en le chargeant d’un tas de missions hyper
chiantes (accueillir les nouveaux arrivants, constituer un dossier sur chacun
d’eux avant et s’en occuper après..., constituer leur petit monde en fonction de
leurs desiderata dans le grand Paradis-O), Angel-O avait presque envie et
d’un de bailler très fort et de deux, d’écouter à moitié mais anges de bas de
gamme ou non, ce n’est pas tous les jours qu’on avait droit à une audience avec
l’Ancien, alors
« low profile ». Ce qu’on ne lui avait pas dit,
c’était qu’il aurait comme comparse une angelotte et quel petit ange! Quand il
vit pour la première fois Angel-A, son cœur fit boum-boum et ce fut l’amour au
premier coup d’œil comme dans les anciennes chansons que les gens d’en bas
écoutent encore, enfin, les vieux donc. Notez qu'il n’y a que dans ces mêmes chansons
que l’on prétend que les anges n’ont pas de sexe mais Angel-O en savait bien
quelque chose et les années (en termes terrestres s’entend) n’entamaient en
rien leur fougue, encore un cliché. Les anges ressemblaient aux terriens, oh
combien!, un point qu’il aurait bien voulu discuter avec l’Ancien, mais celui
était toujours à ruminer en un sabir que seul quelques pontes pouvaient
comprendre encore. Dieu merci, hé hé, nous sommes éternels! Imaginez que plus
personne ne puisse traduire les injonctions de l’Ancien, leur monde
s’écroulerait !
Bien, bref.
Angel-O et Angel-A ont une nouvelle mission. Après avoir glaner un tas
d’informations sur les nouveaux arrivants (B112 va claquer d’une méningite, que
l’on prépare son dossier, et c’est quoi encore ses goûts pour le mobilier, Louis
XIV ou High tech et la vieille dame du 3e, la Z452 va enfin quitter
son duplex; elle aussi, il me semble, avait des goûts bizarres, allez allez,
que ça chauffe, qu’on fasse la chasse à l’info, que ça turbine et qu’on
classifie tout ça), bref, la routine. Ils se doivent de retourner au Paradis-O
pour concrétiser tout ça et tenir les préalables inévitables avec les Grands
Comptables. « Machin » s’amène dans deux heures et on a encore rien
préparé. Heureusement que la liaison Terre - Pardis-O est à haut débit. On
pousse sur le bon bouton et on y est. Gare aux arrêts de cœurs et victimes de
vertiges. Mais bon, au point où ils en sont... Paraît qu'untel a fait de grandes choses, alors j’espère que vous avez
tout prévu. « Bidule », s’amène dans un quart d’heure, je veux que la
"suite Bonaparte" soit prête et qu’on lui amène un café corsé et des pâtisseries,
je n’en sais pas plus. etc. Nouvel arrivant, contact avec le comptable, "oui, la
suite du monsieur, de la dame est prête". "Oui, le dossier est conforme au
desiderata du saint croyant". "Non, il ne veut plus chasser les jeunes
jouvencelles, il a changé de bord durant ces dernières années et c’était pas
dans son dossier". Et lourds regards de reproches des comptable sur les angelots.
Bouh!, qu’ils négligent toujours leurs boulots ceux-là. Et la zone Z618 qui
devait représenter une belle forêt au temps du Moyen Age et bien, l’arrivant
n’en veut plus. Sa dernière vision, c’est celle d’un désert et comme seul
compagnon, un beau dromadaire. Allez hop ! On repeint tout et on me trouve
dare-dare un chameau s’il le faut. Ca fait déjà trois heures qu’il est dans sa
suite et il a beaucoup trimé pour avoir sa place ici. Turbinons turbinons!
Mais
Angel-O et Angel-A ne sont pas dupes. Toute cette agitation leur rappellait
l’arrivée du gros bonhomme hilare. Ils s’en rappellaient même fort bien car ce fut
eux qui furent choisis pour l’accueillir. C’était… comme si c’était hier. Quand
le gros bonhomme fut enfin arrivé dans son taxi-immaculé, on l’accueillit dans
une modeste chambre, conformément au dossier constitué et quand on lui
demandait ce qu’il voulait : il répondit de suite qu’il n’avait besoin de
rien mais qu’il avait hâte.
A-O : « rien ». « Ben
non ! ». « Euh, même pas un beau plancher, un coucher de soleil,
un beau plafond avec imitation verdure». « Non, non, que du
blanc ». Et A-O et A-A qui n’étaient pas du genre à se casser la nénette
lui ont offert une belle zone tout en blanc avec un super intérieur zénifiant. Y
avait même pas de sol, de toit, pas de vent, pas de son. On a même eu peur un
moment et l’Ancien avait envoyé deux anges de 3e classe quand même!,
pour voir où le gros hilare était parti mais on ne les a jamais retrouvés. Pour
peu, la pile de leur téléphone mobile était à plat. Mais on s’égare. Et le gros bonhomme aussi, sans doute ? Car
aujourd’hui, dans moins de deux heures, on attend un homme tout aussi important
et tout aussi saint. Paraît même que le Vieux, oups!, l’Ancien, est aux aguets.
C’est l’homme au nom en cinq lettres, l’homme dont on ne doit jamais prononcer le nom. Son taxi-immaculé est sur la liste d’attente et pour faire la
transition, on leur laisse un trajet à vitesse raisonnable. Soyons humains
quand même! A-O et A-A sont évidemment aux premières loges, petits fouineurs
comme ils sont, ils ont réussi à parcourir son dossier. Mais tout était
écrit en une langue qu’ils ne comprenaient pas. Le dossier avait l'air balèze. On travaillait d’ailleurs d’arrache pieds à la zone qui lui était
réservé. C’est dire !
A l’heure
précise et doctement annotée, le taxi-immaculé s’avançait majestueusement sur ses rails. Il leur
semblait que tous les anges qui n’étaient pas occupés à d’autres tâches
étaient présents la bouche en 'O' et si la décence leur eut permis, 'la langue
pendante'. Un homme… si attendu… le moment enfin... Quand les portes s’ouvrirent,
ce fut le silence complet. Ce fut franchement un grand moment. Tant d’anges
rassemblés et un silence, euh, paradisiaque, c’était du jamais vu. Mais la
déconvenue n’en fut pas moins grande. L’homme au nom en cinq lettres n’était
pas au rendez-vous. Taxi-immaculé vide de chez vide. Quand on questionna l’ange
conducteur : celui-ci prit presque peur et annonça que l’HACL avait
post-posé son arrivée au Paradis-O ; il n’en savait pas plus.
Quand on
osa enfin prévenir l’Ancien (d’après les rumeurs, on le vit pour la première
fois en furie), ses paroles furent mémorables. Je les tiens d’Angel-O et
d’Angel-A :
« S’il
n’est pas rentré dans les trois jours, il va savoir ce qu'est un père en
colère! ».