Metrosexuel, allons voir si la rose…
Longtemps, je me suis couché de
bonne heure. Couché de bonne heure, levé de bonne heure. J’ai bu de l’eau
claire, mangé peu de viandes, fait attention à mon cholestérol. Exercices,
sport, activités en plein air, pas de clopes, pas d’alcool. Rien. Et même, ne
pas « gaspiller mon king » comme l’explique pertinemment le Tao de l’art d’aimer. Une vie saine, un
corps sain, des devises saines. L’avenir, après tout, appartient à ceux qui se
lèvent tôt, n’est-ce pas ?
Et tout ça pour quoi ? Je pourrais en rire si ce n’était pas si tragique, tiens… Tout ça pour voir ce matin (mais depuis combien de temps était-il là ?) un cheveu blanc. Le premier. Mais pas le dernier, loin de là. Voilà que traitreusement dans ma brune toison vient se greffer un fil d’argent. Hideux… Me voilà défiguré. Tout bonnement défiguré. Il me semble que j’en aperçois déjà un autre en train de pousser. La contamination commence, l’invasion s’invite.
Misérable ! C’est le début de la fin. Baisser le rideau, faites résonner le chant du cygne, mettez le drapeau en berne, je m’éteins dans la fleur de l’âge (32 ans, c’est si jeune, pourquoi est-ce que ça me tombe déjà dessus ?). Ci-gît Steeve Tanguy, paix à son âme, à son compte en banque débiteur et à ses photos de famille ringardes.
On dira que je m’emporte pour un
rien, mais c’est que je ne suis pas bassement matériel : moi, je vois
au-delà. Le premier cheveu blanc, c’est un signe annonciateur de la suite. A
quand la première ride ? Hein ? A quand les rhumatismes ? Hein ?
A quand la première crise cardiaque ? Hein ? Et à quand… Mais…
Là ! Une ride ! Incroyable, il suffit d’en parler pour qu’elle
apparaisse… Pourtant je les ai traitées, ces satanées ridules, exactement comme
ils disent dans les publicités. Ah ! mais l’âge s’en fout des crèmes
rajeunissantes, des bombardements quotidiens de vitamines hydratantes, des enzymes
biomachintinol des meilleurs labos pharmaceutiques. L’âge, c’est le frère
maudit du temps, sa partie insupportable et écrasante.
Et aujourd’hui, là devant ce
miroir, au crépuscule de ma vie, à quoi donc m’a servi de boire ce lait de soja
absolument abominable ? De regarder avec convoitise les autres se goinfrer
de glaces et autres chocolateries chocofondantes pendant que je prenais une salade
sans sauce ? De pratiquer l’aérobic, le stretching, le stepping, la
watergym et toutes ces absurdités asiatiques : le taï chi, le yoga, tous
ces trucs dont je ne me souviens même pas du nom… Le temps et le fric que j’ai
balancés dans toutes ces merdes !
Mon Dieu, malgré tous ces efforts, je me vois vieillir sur pied, je flétris littéralement, je vais bientôt devenir un tas de décomposition ambulante. Mais ah ! Je meurs, oui je meurs, je sens un froid glacial m’envahir… Mes jambes ? Je ne suis plus qu’un souffle, je défaille, je… Merde ! 8:34, je suis en retard pour le boulot…